Le livre
En trois siècles, en Europe, plusieurs dizaines de milliers de femmes ont été accusées, emprisonnées ou exécutées. C’est l’empreinte psychique des chasses aux sorcières, et avec elle, celle des secrets de famille, que l’auteure explore dans ce roman envoûtant sur la transmission et nos souvenirs impensables, magiques, enfouis.
Extrait
Les histoires que je lis sont celles de femmes accusées d’avoir passé un pacte avec le diable parce qu’un veau est tombé malade. Les histoires que je lis sont celles de femmes qui soignent alors qu’elles n’ont pas le droit d’exercer la médecine, celles de femmes soupçonnées de faire tomber la grêle ou de recracher une hostie à la sortie de la messe. Et moi, je revois le cartable que m’a acheté ma mère pour la rentrée de sixième, un beau cartable en cuir, alors que j’aurais voulu l’un de ces sacs en toile que les autres gosses portent sur une seule épaule, avec une désinvolture dont il me semble déjà que je ne serai jamais capable. Je revois mon père tenant ma mère par la taille un soir d’été, je le revois nous dire, à mon frère et à moi, ce soir, c’est le quatorze juillet, ça vous dirait d’aller voir le feu d’artifice ? Cette contraction du temps qui se met à résonner, cet afflux de souvenirs que j’avais d’abord pris pour un phénomène passager, non seulement ne s’arrête pas, mais est en train de s’amplifier.
L'auteur
Isabelle Sorente est romancière. Elle est notamment l’auteure de La Faille et du magnifique 180 jours, basé sur une enquête de plusieurs mois dans les élevages industriels, qui ont tous deux reçu un très bel accueil du public. Avec Le complexe de la sorcière, paru en janvier 2020, c’est l’empreinte psychique des chasses aux sorcières qu’elle reconstitue dans un récit envoûtant. Isabelle Sorente tient aussi une chronique sur France Inter et collabore avec Philosophie Magazine.