Olivier Huguenot, gérant de la librairie le Neuf
Le CNL vous propose régulièrement le portrait de professionnels dont il soutient les projets. C'est au tour d'Olivier Huguenot, gérant de la librairie le Neuf à Saint-Dié-des-Vosges, de répondre à nos questions.
Découvrez son métier, sa passion et son parcours, l'histoire et les projets de cette librairie engagée "où l'on se sent bien" pour reprendre le mot de Cabu.
Entrez, Olivier Huguenot nous ouvre grand les portes de ce lieu qu'il a fréquenté enfant avant d'en devenir le gérant, qui a fait de lui un libraire passionné, faisant sien la formule de l'écrivain Pascal Pia : « Aimer les livres, c’est aimer les lire, mais c’est aussi aimer en parler ».
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Olivier Huguenot, qui êtes-vous ?
Libraire indépendant depuis 1982, j'ai 59 ans et suis marié à une femme délicieuse, avec trois enfants épanouis, et gérant de la librairie le neuf à Saint-Dié-des-Vosges depuis une dizaine d’années, après être passé par toutes les cases. Enseignant-Chercheur associé à l’IUT Info-Com de Nancy, option Métiers du livre, je suis aussi coordinateur du salon du livre Amerigo Vespucci de Saint-Dié-des-Vosges, dans le cadre du Festival International de Géographie depuis sa création en 1990, et coprésident de l’Association des Libraires Indépendants du Grand Est. Depuis des années, je suis amateur de polar, littérature, histoire contemporaine, essais et biographies.
Comment êtes-vous devenu libraire ?
À quinze ans, au milieu des livres, j’étais persuadé que les livres et les hommes pouvaient changer le monde, à 59 ans, j’en suis toujours aussi persuadé.
Le monde de la culture doit rejoindre le monde de l’éducation. Très tôt, vers 12 ou 13 ans, l’âge rebelle, je prenais l’habitude d’aller au 15 rue d’Alsace, là où la librairie le neuf venait d’ouvrir ses portes, en avril 1972. Mon oncle, Daniel Cuny, gérant de la petite boutique, officiait derrière son comptoir, assisté de ses amis, 9 anciens étudiants (d’où ce nom) animés par l’esprit et les utopies de 1968. Ils ne se contentaient pas de vendre un livre, mais en parlait. Le Neuf n’était pas seulement un commerce, mais c'était aussi un lieu où il faisait bon vivre. C’est dans ces lieux, au milieu des livres et des idées, que j’ai grandi.
Je suis devenu libraire en avril 1982, pour toutes ces raisons. Mes parents n’avaient pas la télévision et j’engloutissais tout ce qui me passait par la main, récits, romans, témoignages, correspondances, BD, polars…sans autre contrainte que de m’évader et d’apprendre. Les grandes œuvres classiques viendraient en leur temps. Après un bac économique, une année en fac, je me suis dirigé vers une formation en alternance à l’ASFODELP (devenue depuis l’INFL, l’Institut National de la Formation en librairie), puis une licence de Lettres Modernes par correspondance et un BTS d’action commerciale en librairie. J’ai intégré l’équipe d’enseignants Métiers du livre de l’IUT Charlemagne en 1999 où j’officie toujours avec un grand bonheur.
Mes deux passions, la librairie et l’enseignement. Transmission et échange, deux maitres mots qui m'ont guidé.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ? Le moins ?
Le métier de libraire nous offre ce plaisir du quotidien qui est d’ouvrir les colis de nouveautés, de lire les premières pages, d’en tirer les premiers arguments de vente, la lecture venant plus tard, à la maison, dans le train ou sur les heures de sommeil. Le temps du conseil n’est pas loin.
La gestion est aussi notre quotidien, elle est importante si nous voulons continuer à être présents. Les outils se sont beaucoup développés, je pense à l’observatoire du livre pour la mise en commun avec d’autres libraires. Les profondes mutations technologiques que nous vivons actuellement nous "obligent" à innover, à proposer par exemple des rencontres "dans" et "hors" les librairies, et à toujours avoir un coup d’avance, comme la création de sites mutualisés et je pense au site leslibraires.fr. S’il ne fallait citer qu'un seul inconvénient à ce métier, c’est de ne pas pouvoir rétribuer convenablement des libraires avec, le plus souvent, un excellent niveau de formation.
Qu'est-ce qui fait de votre librairie un lieu unique ?
La librairie « Le Neuf » en 2020, c’est 39 porteurs de parts, 6 salariés, un chiffre d'affaires de 1,2 millions d’euros, 30 000 titres, une spécialité Jeunesse et BD, un fonds Sciences Humaines et Sociales digne d’une grande ville, un site internet actif, un programme de rencontres et de débats qui a succédé aux simples dédicaces. Depuis 1972, le Neuf a reçu plus de 2 000 invités dont Cabu, Plantu, Daniel Pennac, Philippe Claudel, Carole Martinez, Amélie Nothomb, Didier Daeninckx, ou encore Nicolas Mathieu.
Le Neuf, c’est aussi un ancrage culturel important dans une ville moyenne de 20 000 habitants en transition où nous poursuivons une politique d’animation culturelle intensive aux côtés de tous les acteurs du livre dans la cité, la municipalité et l'agglomération de Saint-Dié-des-Vosges, le département et la région Grand Est. Les partenariats sont divers : mairies, médiathèques, établissements scolaires et associations, à travers des rencontres, des lectures, du théâtre, des expositions et des conférences, mais aussi le Festival International de Géographie depuis 1990, dont nous sommes cofondateurs, le Festival les Imaginales à Épinal depuis sa création et sur les routes vosgiennes pour les rencontres en extérieur : au Festival de Poésie à Raon l’Étape, à "Plantes en fête" à l’Abbaye d’Autrey...
Notre objectif est de faire de la librairie un lieu d'accueil et d'échanges pour tout public, avec une devise qui pourrait être "Éducation, culture et proximité".
Quel public vient au Neuf ?
Nous avons, je crois, réussi à réunir une clientèle fidèle et extrêmement diversifiée, des lycéens aux bibliophiles amoureux des grands classiques, des cadres à la recherche de leurs sources ou d’une lecture de week-end, aux familles avides de découvertes pour leurs bambins, sans oublier les régionalistes, les curieux, les collectionneurs, les lettrés et les passionnés.
Qu'est-ce qui vous tient le plus à cœur ?
Des valeurs et un peu d’audace.
À deux ans de fêter les 50 ans d’une petite boutique devenue une PME reconnue, les valeurs de départ que sont l’utopie, la solidarité et la mutualisation sont toujours d’actualité.
« Non, ce n’étaient pas des gérants, ni des actionnaires ordinaires … C’est une bande de copains qui n’ont jamais varié dans leurs idées… Ils ont la satisfaction toute simple d’avoir œuvré modestement à un vrai service public. C’est une bande de copains tout ordinaires » écrivait Jean Noël, un des 9 en 2002.
Quels sont vos envies, vos rêves les plus fous ?
Des projets, à plus ou moins long terme.
"Polar sur Meurthe" par exemple. Amateur de polars, je réfléchis avec d’autres partenaires à la création d’une fête du roman policier dans la ville et sur les bords de la Meurthe, rivière qui longe le cœur de Saint-Dié-des-Vosges.
Une biblio-camionnette fait aussi partir de mes projets, avec pour ambition d'aller au-devant de la population rurale de proximité, dans les villages de la ceinture déodatienne, pour un passage régulier avec exposition-vente et livraisons de livres.
Plus personnel, j'ai en tête d'activer la création de la maison d’édition « 1507 ». C’est en avril 1507 qu’a été apposé pour la première fois à Saint-Dié-des-Vosges le mot Amérique sur une carte imprimée par une société savante.
Comment avez-vous connu le CNL ?
Je fréquente le CNL sous deux casquettes, celle de libraire et celle de coorganisateur de manifestation littéraire.
C’est en 2010 que je suis accueilli par Marc Baudeau pour la première fois au 53 rue de Verneuil, siège du CNL, au titre de coordinateur du salon du livre du Festival International de Géographie, pour la mise en place d’un partenariat. Nous soumettons l’idée d’une participation plus active de l’institution sous forme d’une collaboration et de l’organisation d’une journée dédiée aux Sciences Humaines. Le CNL est devenu depuis notre principal soutien. La présence régulière et active de son président, Vincent Monadé, ou d’un(e) de ses représentant(e)s au festival est un véritable atout et la conférence de presse qui se tient chaque année au CNL un rendez-vous incontournable.
J’ai aussi siégé en tant que libraire à la commission d’attribution du label LIR, Librairie Indépendante de référence, de 2012 à 2014. Deux journées pour mieux connaître le maillage territorial des librairies françaises, c'est une belle expérience aux côtés de nos partenaires de la chaîne du livre.
Quels types d’aides sollicitez-vous auprès du CNL ?
Je sollicite ce label LIR depuis sa création. Ce label est notre marque d’indépendance. Il nous permet d’être exonéré de la CET (ancienne taxe professionnelle) après un vote des collectivités territoriales, et, depuis 2013, l’aide à la mise en valeur des fonds et de la création éditoriale (VAL), une aide financière précieuse pour la librairie. Cette aide nous a permis d’étoffer les fonds "Sciences-Humaines", "Petite enfance" et "Poésie". Nous avons aussi finalisé certains investissements (salle de conférence, aménagements à la librairie…). Thierry Auger, en charge des libraires au CNL, est là pour nous guider. Un conseil, n’hésitez pas à appeler vos interlocuteurs du CNL en direct !
Et si vous aviez 5 livres à nous conseiller…
Parmi les sélections des tables de sa librairie, Olivier Huguenot a choisi pour vous des livres soutenus par le CNL à lui commander, à venir chercher et à lire dès que possible.
Découvrez ici les conseils de lecture de la librairie le Neuf !