Le livre
Lâchée à l’entrée du cimetière par le bus de la ligne 9, Bittori remonte la travée centrale, haletant sous un épais manteau noir, bien trop chaud pour la saison. Afficher des couleurs serait manquer de respect envers les morts. Parvenue devant la pierre tombale, la voilà prête à annoncer au Txato, son mari défunt, les deux grandes nouvelles du jour : les nationalistes de l’ETA ont décidé de ne plus tuer, et elle de rentrer au village, près de San Sebastián, où a vécu sa famille et où son époux a été assassiné pour avoir tardé à acquitter l’impôt révolutionnaire. Ce même village où habite toujours Miren, l’âme sœur d’autrefois, de l’époque où le fils aîné de celle-ci, activiste incarcéré, n’avait pas encore de sang sur les mains – y compris, peut-être, le sang du Txato. Or le retour de la vieille femme va ébranler l’équilibre de la bourgade, mise en coupe réglée par l’organisation terroriste.
Des années de plomb du post-franquisme jusqu’à la fin de la lutte armée, Patria s’attache au quotidien de deux familles séparées par le conflit fratricide, pour examiner une criminalité à hauteur d’homme, tendre un implacable miroir à ceux qui la pratiquent et à ceux qui la subissent.
L’ETA vient de déposer les armes mais pour tous une nouvelle guerre commence : celle du pardon et de l’oubli.
Ce roman a enflammé la société espagnole et a valu à son auteur les plus prestigieuses récompenses. En cours de publication dans le monde entier, Patria fait événement par sa puissance d’évocation et sa mise en question des fanatismes politiques.
Les premières lignes
Et voilà, la pauvre fille s’écrase une fois de plus ! Comme les vagues sur les rochers. Un peu d’écume et adieu. Elle devrait voir qu’il ne prend même pas la peine de lui ouvrir la portière ! Soumise, et c’est rien de le dire !
Et ces talons, et ce rouge à lèvres ? Quand on a quarante-cinq ans, quelle idée ! Avec ton style, ma fille, ta position et tes diplômes, qu’est-ce qui te pousse à te comporter comme une adolescente ? Si l’aita sortait de sa tombe...
L'auteur
Fernando Aramburu, né à San Sebastiàn en 1959, est l'auteur de trois récits et de six romans qui ont été distingués par de préstigieux prix littéraires.
Patria a notamment reçu le prix de Fransisco Umbral et le prix de la Critique 2017