Sophie Nauleau, directrice artistique du Printemps des Poètes

Publié le 11 mars 2021

Sophie Nauleau, écrivain, productrice d'émissions radiophoniques, directrice artistique du Printemps des Poètes, s'est prêtée au jeu de l'entretien pour présenter l'édition 2021 de la manifestation et ses grandes orientations.

 

Le Printemps des Poètes, soutenu par le CNL, célèbre sa 23e édition sous le signe du Désir, partout en France, du 13 au 29 mars.

 

Sophie Nauleau
André Velter

Pourquoi avoir choisi de prendre la direction du Printemps des Poètes en 2018 ?

Je n’ai guère choisi de prendre quoi que ce soit.
Je connaissais bien le Printemps des Poètes, pour avoir assisté dans l’ombre aux deux grands « Meeting poétiques » mis en ondes par André Velter et Claude Guerre sur la scène, ô combien symbolique, de la Mutualité à Paris, au tournant du siècle, en 2000 puis 2001.

Ces grands moments, retransmis sur France Culture, réunissaient plus de 2000 personnes, et je n’ai rien oublié du poing levé d’Armand Gatti, de la voix de Michel Piccoli disant « Tu as bien fait de partir Arthur Rimbaud… » de René Char, ou du corps offert de Laurent Terzieff venant dire par cœur « Pour écrire un seul vers… » de Rainer Maria Rilke.

Si « Ça rime à quoi ? », l’émission de poésie hebdomadaire que j’animais sur France Culture, avec Patrick Molinier à la réalisation, ne s’était pas arrêtée brusquement, je n’aurais sûrement pas imaginé accepter la main tendue par Jean-Pierre Siméon, venu me proposer de prendre la relève. Comme quoi, le destin est parfois plus inspiré et clairvoyant que nous.

Quelles sont les grandes orientations du Printemps des Poètes ?

Les enjeux sont majeurs, dans cette époque si rude qu’il est parfois difficile de réfléchir, de s’épanouir, de vivre. La parole poétique révèle alors toute son efficience, nullement refuge, mais active, capitale et vivifiante.

Avec plus de vingt-deux ans derrière lui, le Printemps des Poètes est aujourd’hui une formidable caisse de résonance : des dizaines de milliers d’évènements partout sur la planète, de Chennai à Téhéran, en passant par Maputo, Madrid, Chengdu ou Toronto, célèbrent les poètes au mois de mars !

En France, tout le monde fête le Printemps des Poètes, du plus petit village aux grandes métropoles. Cette diversité, et cet enthousiasme décuplé, font notre force, car il y a la programmation que nous imaginons er renouvelons entièrement d’une année sur l’autre, mais aussi parallèlement tout ce qui est fait par tous afin que la poésie reprenne pouvoir sur nos vies.

L’aura du Printemps est telle aujourd’hui que des artistes tels que Jean-Marc Barr, Rachida Brakni, Sandrine Bonnaire, Guillaume Gallienne ou encore Renaud Capuçon n’hésitent pas un seul instant à être de l’aventure. Cette générosité, et cette ardeur en partage, disent combien la poésie importe.

Cette année, après Ernest Pignon Ernest, Enki Bilal et Pierre Soulages, c’est Sarah Moon qui signe l’affiche originale de cette 23e édition. Et Marina Hands de la Comédie-Française qui dira Bernard Noël dans le Palais des Papes d’Avignon pour l’ouverture, le temps d’un court-métrage poétique inédit signé Priscilla Telmon et Mathieu ‘Moon’ Saura. Ce qui aura pas mal de panache en ces temps de festivals annulés et de théâtres contraints à la fermeture !

Autre grande nouveauté d’Education Artistique et Culturelle, sur Le Désir en 2021 : L’Opération Coudrier, qui propose aux plus jeunes de ressusciter les vers amoureux du « Lai du chèvrefeuille » de Marie de France. « Ni vous sans moi, ni moi sans vous sera » sera ainsi réinterprété et retraduit plus de huit siècles après, dans une langue d’aujourd’hui par des milliers de collégiens et lycéens.

Quant au « Désir dans les rues de la ville », il s’agit suivant un corpus d’une soixantaine de poèmes proposés par le Printemps des Poètes, allant de Sappho jusqu'à Catherine Pozzi, de s’emparer de citations poétiques fortes et d’imaginer comment les faire vivre sur les murs en lien avec les municipalités.

Ce serait quoi être poète en 2021 ?

Ne ressembler à personne ! Ne pas se laisser trop malmener par le rouleau compresseur mondial. Ou la vulgate poétique du moment. Résister à l’immédiateté virtuelle ou médiatique. Ne pas se payer de mots. Préserver sa singularité. Garder le cap et le tempo.

Pour ma part, qui ne suis pas poète, ce qui je crois est une chance à la barre du Printemps des Poètes, j’ai pour mantra ces vers de Ludovic Janvier :

 

Respirer mis à part

le plus clair de ta vie

passe à chercher les mots

qui diront comme ils peuvent

le plus clair de ta vie

respirer mis à part