"Aria" de Nazanine Hozar

Publié le 17 septembre 2020

"Un Docteur Jivago iranien" pour Margaret Atwood, le premier roman de Nazanine Hozar a été traduit de l'anglais (Canada) par Marc Amfreville avec le soutien du CNL (Stock). Fresque historique complexe, Aria retrace le parcours d'une fillette devenue femme à Téhéran, entre 1953 à 1981, lors des grands bouleversements de la société iranienne.

Aria - Nazanine Hozar
Stock

Le livre

Téhéran, 1953. Par une nuit enneigée, Behrouz, humble chauffeur de l’armée, entend des pleurs monter d’une ruelle. Au pied d’un mûrier, il découvre une petite fille aux yeux bleus, âgée de quelques jours. Malgré la croyance populaire qui veut que les yeux clairs soient le signe du diable, il décide de la ramener chez lui, modifiant à jamais son destin et celui de l’enfant, qu’il nomme Aria.

Alors que l’Iran, pays puissant et prospère, sombre peu à peu dans les divisions sociales et religieuses, trois figures maternelles vont croiser la route d’Aria et l’accompagner dans les différentes étapes de sa vie : la cruelle Zahra – femme de Behrouz –, qui la rejette et la maltraite, la riche veuve Fereshteh qui l’adopte et lui offre un avenir, et la mystérieuse Mehri, qui détient les clefs de son passé.

À l’heure où le vent du changement commence à souffler sur l’Iran, Aria, désormais étudiante, tombe amoureuse de Hamlet, un jeune Arménien. Mais, lorsque la Révolution éclate, les espoirs des Iraniens sont rapidement balayés par l’arrivée au pouvoir de l’Ayatollah Khomeini et la vie d’Aria, comme celle du pays tout entier, s’en trouve à jamais bouleversée.

Les premières lignes

Allongée sur une pile de tapis, Mehri ouvrit les yeux.

« Est-ce qu’il ressemble à son père ? » demanda-t-elle.

Le vieil homme, Karimi, tenait le bébé.

« Elle ne sait pas », chuchota-t-il en se tournant vers sa femme.

« Elle le sent », répondit Fariba en jetant un coup d’œil à Mehri. Fariba était beaucoup plus jeune que son mari, et l’unique amie de Mehri.

« Moi, je vois bien qu’elle ne sait pas, insista Karimi.

– Ne dis rien. As-tu bien massé le bébé comme je t’ai montré ?

– Oui, oui. » Il frotta la poitrine et le dos du nouveau-né.

« Dans quel pétrin on est allés se fourrer ? s’interrogea Fariba. Continue à frotter. » Elle prit un morceau de viande dans la glacière et le déposa dans une poêle. « C’est pour la mère. Pas pour toi », lança-t-elle à son mari. Elle se retourna vers Mehri. « Elle a gâché sa vie au moment où elle a posé les yeux sur cet homme. Je lui avais dit de travailler ici à la boulangerie. Mais à la place, elle a préféré l’épouser. Maintenant regarde un peu ce qui s’est passé ! »

Au bout d’une minute, Karimi demanda : « Ma femme, pourquoi la petite ne fait pas le moindre bruit ?

– Parce qu’elle a les yeux bleus, répondit Fariba. Et qu’elle est maudite, comme sa mère. »

 

L'auteur

Nazanine Hozar est née à Téhéran pendant la révolution iranienne et a fui la guerre avec l’Irak pour habiter au Canada. Diplômée du Master de création littéraire de l’Université de Colombie Britannique, ses écrits ont été notamment publiés dans le Vancouver Observer et dans le Prairie Fire Magazine. Aria, son premier roman, est en cours de traduction dans une dizaine de pays.