Le livre
Les Jango sont décidément impayables. On les reconnaît à leur élégance tape-à-l'oeil et à leur sens de la fête. Et ce sont les femmes qui mènent la danse, dans la Maison de la Mère, au coeur de toutes les rumeurs.
Les histoires les plus folles courent d'ailleurs sur Safia, élevée au lait de hyène, Alam Gishi l'Éthiopienne experte en amour, ou l'inénarrable Wad Amouna. Lorsque soudain souffle le vent de la révolte...
Dans les effluves de café grillé, de chicha parfumée et de gomme arabique, se joue une comédie humaine dont les Jango, « sages à la saison sèche et fous à la saison des pluies » sont les héros.
Les premières pages
Les Jango se ressemblent en tout. Ils sautillent comme de vieux corbeaux dansant autour d’une proie. Ils portent des chemises neuves dont le col souillé par la transpiration, le soleil, le vent du sud et la terre noire argileuse, témoigne d’une âpre lutte avec les lieux, les éléments, et la recherche de leur gagne-pain. Ils adorent les jeans avec la marque bien en évidence sur les poches : Cons, Want, Tube, Leeman, Winston, etc. Ils ne savent pas ce que cela veut dire, mais ils les aiment plus que tout, et ils paient cher pour en avoir. Avec leurs ceintures en simili-cuir, on les prendrait presque pour des créatures étrangères, n’était cet air de famille que leur silhouette partage avec les objets alentour, en particulier les bottes de sésame bien fagotées.
Leurs chaussures, étrennées fin décembre, brillantes et élégantes, ne sont plus qu’un souvenir d’elles-mêmes ; elles sont usées, sales et trouées, d’une couleur indéfinissable. Aucun d’entre eux ne prend la peine de se peigner, et à ce que Wad Amouna nous racontera plus tard, leurs poils pubiens sont tout aussi hirsutes. Leurs cheveux, qui ont viré au roux sous l’effet du soleil, forment une tignasse épaisse et ébouriffée, véritable nid pour pétales fanés.
L'auteur
Abdelaziz Baraka Sakin est né en 1963 au Soudan. Après Le Messie du Darfour (Prix Littérature-Monde 2017, traduit avec l'aide du CNL), il nous revient avec Les Jango : un roman réjouissant et tourbillonnant, récompensé en 2009 par le Prix Tayeb Salih, qui a provoqué la censure des autorités soudanaises. L’auteur, adulé dans le monde arabe, vit désormais en exil en France.