Son projet de résidence d’écriture validé, la narratrice d’Un singe à ma fenêtre, prépare ses bagages et embarque, destination Japon, pour recueillir des témoignages sur les attentats au gaz sarin de Tokyo en 1995 perpétrés par la secte Aum.
Sauf qu’elle préfère aller à Kyoto afin d’installer une distance, celle de la réflexion, et interroger les souvenirs d’une population liée à la catastrophe, mais qui aurait eu le temps de grandir et de vivre avec elle, de près ou de loin. Le roman est écrit sous la forme d’un recueil de pensées qui suit un fil chronologique, aux accents polardeux et aux tonalités poétiques, comme un haïku romanesque. Bizarrement, les entretiens ne se déroulent pas comme prévu. Le dialogue bien que volontaire est hésitant, à côté de la plaque.
Cette population qu’on imagine volontiers ponctuelle, peu encline à la fantaisie dans le cadre de relations professionnelles, se révèle tout autre au gré des échanges décrits dans le livre. Bien souvent, ceux qui répondent à l’appel d’Olivia Rosenthal, est-ce qu’on peut le dire ? arrivent en retard, choisissent des lieux de discussion cafardeux, viennent à deux ou trois et préfèrent parler de sujets beaucoup plus personnels que du traumatisme présupposé. Les seules relations franches que semble nouer la narratrice ont lieu avec des animaux, qui la voient et l’observent, des scolopendres, des veuves noires, un singe, avec eux, elle ne se sent pas invisible mais menacée et donc vivante.
Cette quête mystique lui apprend qu’elle cherche le langage comme point de repère à sa douleur, mais que grâce à ce voyage, il y a d’autres moyens de l’appréhender.